Quand on considère l’ensemble de l’œuvre d’Auguste Chabaud, elle apparaît comme une force de la nature, par la puissance, la continuité et la fécondité de son flot créateur. On ne peut que constater la modernité de cette œuvre qui depuis ses prémices s’est révélée d’avant garde, de ses premiers papiers de boucherie avec l’utilisation d’un support atypique, issu du quotidien, jusqu’aux œuvres parisiennes d’un fauvisme expressionniste unique, témoignant comme peu d’artistes l’ont fait d’un Paris nocturne fascinant.

Chevaux de St Eloi- 1901-02                                            Hôtel de nuit- 1907-08

 

L’intégration de son lettrisme dans ses œuvres, ses compositions aux cadrages audacieux avec ses visions plongeantes ou montantes souvent très accentuées, la puissance graphique et la force émotionnelle qu’elles renvoient, témoignent de cette facture indéniablement novatrice.
Le graphisme de ses lettres et leurs couleurs dans ses peintures intervient dans l’esthétique du tableau par des effets d’éclairage et de contraste en créant une atmosphère tout à fait spéciale.
Chabaud en ce début du siècle est à l’avant garde de la modernité et ose, en plasticien pur, toutes les outrances plastiques, cassant les codes artistiques du moment. L’électricité lui apporte une vision nouvelle qu’il retranscrit dans ses œuvres. Rejoignant les impressionnistes dans le choix des motifs iconographiques de la grande ville, Chabaud en diffère toutefois par sa vision mélancolique et critique.
Une de ses spécialités est la décomposition ou le collage visuel, sorte de photomontage avec agencement de fragments disparates, vision cubiste de son environnement que l’on va retrouver à Paris avec Hôtel Hôtel  ou la  Femme à la cigarette , clin d’œil au dadaïsme de Grosz.

                                       Hôtel- Hôtel                                             La femme à la cigarette

 

Il y a également la série des avions inspirée par les meetings de l’époque, ou les panneaux de signalisation ferroviaire de la capitale ou encore ceux de Graveson où Chabaud a appliqué les stricts principes du chromatisme néo-plastique d’un Mondrian.

Avions                                                        Gare à Graveson

 

L’œuvre sculpté et cubiste avec la taille directe dans la pierre fait de lui également un sculpteur puissant proche du mouvement d’art brut dont il fut un des premiers adeptes tant par le primitivisme de sa statuaire que par l’utilisation de ses supports issus du quotidien.

 

Dans son œuvre provençale aux compositions singulières qui coupent au premier plan ou sur le côté les figures et les objets, voire la tête d’un cheval, c’est une vision photographique et parfois même cinématographique que l’artiste nous révèle, décuplant ainsi la force du mouvement de ses tailleurs de vigne ou ses semeurs de blé.

                           Tailleurs de vignes- 1925                                                 Moisson à la ferme- 1925 

 

Son bleu de prusse presque nocturne à l’intense luminosité qu’il confronte à ses blancs intenses et ses ombres noires font de lui un coloriste exceptionnel qui ose les outrances les plus affirmées.
Même assagi sur ces dernières années dans sa Provence aimée, Chabaud en visionnaire va insuffler à son terroir une grande spiritualité en lui donnant une notion d’éternité quasiment unique à ce jour dans l’histoire de la peinture.

La provençale- 1925